Perspective : L’Existence humaine et la Culture

L’être humain est fragile : pour survivre, il a dû affronter des forces supérieures aux siennes (climat, maladies, prédateurs…). En développant une culture transmise et enrichie de génération en génération, il s’est donné les moyens de vivre en communautés organisées durablement, améliorant ainsi sa condition (mais de plus en plus au détriment du reste de la nature).

A. L’existence humaine :

  • Distinction être / exister : On considère en général ces deux verbes comme synonymes. En philosophie, on définit l’existence sur la base de son étymologie latine : ex + sistere, « se tenir hors de ». « Exister » caractérise alors le type de conscience propre à l’être humain. Nos actions et nos pensées ne sont pas nécessairement prédéterminées naturellement et/ou culturellement : nous disposons d’une certaine liberté qui caractérise précisément l’existence humaine.
    .
  • Conscience d’exister ou conscience réflexive : L’existence humaine se caractérise principalement par la possibilité de se prendre elle-même comme objet de pensée. Cela nous permet de critiquer nos propres comportements, goûts, pensées, de nous remettre en cause, autrement dit de faire preuve d’autonomie, de liberté à l’égard de nos déterminismes naturels et culturels.
    ..
  • Distinction essence / existence : Chez l’être humain seul, « l’existence précède l’essence » (Sartre). Nous n’avons pas une identité définie une fois pour toute. Notre existence quotidienne, ce que nous vivons, nos émotions, la culture que nous acquérons, transforment constamment ce que nous sommes. Notre identité, notre essence, ne sont pas arrêtées définitivement : « L’homme est perfectible » (Rousseau). Et lorsque nous utilisons notre conscience réflexive, nous pouvons choisir librement (autant que possible) ce que nous deviendrons, l’existence que nous voulons mener.
    .
  • L’existence et le temps : nous disposons d’une mémoire qui nous permet de connaître le passé et d’une imagination qui nous permet de nous projeter dans l’avenir. Nous savons que nous sommes né et que nous devrons mourir, que notre existence a une durée finie. Comment utiliser au mieux cette durée, comment choisir parmi tous les possibles qui nous sont offerts ? Ces questions sont celles de la morale.

B. La culture

  • Définition : la culture est l’ensemble des savoir, savoir-faire, institutions, etc., communs à une collectivité humaine et qui se transmettent d’une génération à l’autre.
    .
  • Trois échelles :
    A l’échelle de l’humanité tout entière, les êtres humains depuis leur apparition ont développé et accumulé progressivement des formes de culture de plus en plus sophistiquées (techniques, arts, sciences, organisations politiques…).
    A l’échelle des civilisations et sociétés (qui naissent et meurent), chaque communauté  humaine développe nécessairement une culture permettant de solidariser durablement ses membres entre eux (langue, religion, organisation politique…).
    Enfin à l’échelle de l’individu, chaque être humain doit acquérir une culture pour s’adapter à son milieu. Dans les civilisations modernes, la culture individuelle ne représente qu’une toute petite partie de l’ensemble de la culture de cette civilisation (personne n’a lu tous les livres…).
    .
  • La distinction (méthodologique) nature / culture : L’être humain fait partie de la nature. Il appartient au règne animal et de ce point de vue il est un est un être naturel. Mais dans la mesure où il modifie cette nature pour l’adapter à ses besoins, qu’il en devient « comme maître et possesseur » (Descartes), il échappe aux déterminations instinctives, innées, qui conditionnent les comportements des autres animaux. Ses besoins naturels étant régulièrement satisfaits (nourriture, boisson, sommeil…), ses déterminations culturelles deviennent prédominantes dans ses actions. Plus fondamentalement, l’être humain ne peut « fonctionner » qu’en acquérant une culture (en apprenant à marcher, à parler, à travailler…), de sorte que l’on peut dire qu’il est dans la nature de l’être humain d’acquérir une culture : « On ne naît pas homme, on le devient » (Erasme).
    .
  • Le problème ethnocentrisme / relativisme culturel : Nous intériorisons la culture que l’on nous transmet par l’éducation de telle sorte qu’elle nous apparaît comme « naturelle ». « L’habitude nous fait comme une seconde nature » (Cicéron). Au risque de considérer ceux qui ne partagent pas notre culture comme des « barbares » : « Chacun appelle barbarie ce qui n’est point de son usage » (Montaigne). L’« ethnocentrisme » désigne la tendance à considérer sa propre culture comme supérieure aux autres et à juger les autres cultures à partir des valeurs (le bien, le beau, le vrai) de la sienne.
    Pour éviter ce biais (et les conflits qui en découlent), les sociétés humaines apprennent à pratiquer la tolérance. Néanmoins, cela peut déboucher sur l’idée que par principe toutes les cultures se valent, et que maltraiter les enfants, les femmes, torturer, institutionnaliser l’esclavage, le racisme ou le sexisme, doit être accepté au nom de la tolérance, dès lors que cela fait partie des traditions d’une communauté humaine. C’est ce que l’on nomme le « relativisme culturel ». « Vérité en-deçà des Pyrénées, mensonge au-delà » (Pascal).
    Pour éviter ce double piège de l’ethnocentrisme et du relativisme culturel, la Déclaration universelle des droits de l’Homme a défini des droits communs à tous les êtres humains, sur lesquels tous les êtres humains devraient s’accorder puisqu’ils partagent, en-deçà de leurs différences culturelles, une nature commune.
    .

« Un animal est par son instinct même tout ce qu’il peut être ; une raison étrangère a pris d’avance pour lui tous les soins indispensables. Mais l’homme a besoin de sa propre raison. Il n’a pas d’instinct, et il faut qu’il se fasse à lui-même son plan de conduite. Mais, comme il n’en est pas immédiatement capable, et qu’il arrive dans le monde à l’état sauvage, il a besoin du secours des autres. L’espèce humaine est obligée de tirer peu à peu d’elle-même par ses propres efforts toutes les qualités naturelles qui appartiennent à l’humanité. Une génération fait l’éducation de l’autre. » 

(KANT, Traité de pédagogie, 1803)