TEXTE COMPLET PARAGRAPHE 1 PARAGRAPHE 2 PARAGRAPHE 3 PARAGRAPHE 4 PARAGRAPHE 5 PARAGRAPHE 6 PARAGRAPHE 7 PARAGRAPHE 8 PARAGRAPHE 9

QU’EST-CE QUE LES LUMIÈRES ? : PARAGRAPHE 9

[Présentation de Kant] Kant (1724-1804) est un philosophe allemand de la période des Lumières. Son œuvre s’articule autour de trois questions :

  • « Que puis-je savoir ? » détermine une philosophie de la connaissance, avec en particulier son œuvre la plus importante, la « Critique de la raison pure ».
  • « Que puis-je faire ? » détermine une philosophie morale, avec en particulier la « Critique de la raison pratique » [« pratique » = en relation avec l’action donc avec la morale].
  • « Que puis-je espérer ? » détermine la méthode que Kant appelle « critique », à savoir que la raison doit parvenir à fixer ses propres limites, aussi bien dans le domaine de la connaissance que dans celui de la morale.

[Présentation du texte] Dans le texte « Qu’est-ce que les Lumières ? » publié en 1784, Kant :

  • caractérise les Lumières comme un progrès de l’humanité dans l’usage de la raison ;
  • puis il s’interroge sur les mécanismes qui maintiennent chaque individu et au-delà l’ensemble de l’humanité dans l’état de « minorité » (= de dépendance morale, d’absence d’autonomie morale) ;
  • il montre ensuite les limites nécessaires à la liberté d’expression pour que celle-ci ne soit pas source de conflits sociaux, avant de considérer cette question dans le cas particulier de la religion ;
  • enfin il insiste sur l’intérêt qu’ont les gouvernants à favoriser la liberté de penser et de s’exprimer des citoyens.

[9] Si on demande maintenant : vivons-nous actuellement dans une époque éclairée ?, on doit répondre : non, mais nous vivons dans une époque de propagation des Lumières. Il s’en faut encore de beaucoup pour que, dans leur ensemble et au point où en sont les choses, les hommes soient déjà capables, ou puissent seulement être rendus capables, de se servir de leur propre entendement d’une manière sûre et correcte dans les questions religieuses, sans être dirigés par quelqu’un d’autre. Nous avons toutefois des indices précis qu’ils trouvent désormais la voie ouverte pour acquérir librement cette capacité, par le travail sur eux-mêmes, et que les obstacles qui s’opposent au progrès général des Lumières et à la sortie des hommes hors de l’état de tutelle où ils demeurent par leur propre faute disparaissent peu à peu. De ce point de vue, cette époque est celle des Lumières, ou le siècle de Frédéric. Un prince qui ne trouve pas indigne de lui de considérer comme un devoir de ne rien prescrire aux hommes en matière de religion, mais de leur laisser en cela pleine liberté, qui décline par conséquent jusqu’à l’attribut hautain de tolérance, un tel prince est lui-même éclairé et mérite d’être célébré avec reconnaissance par ses contemporains et par la postérité comme le premier à avoir affranchi le genre humain de la minorité, du moins pour ce qui relève du gouvernement, le premier à avoir laissé chacun libre d’employer sa propre raison dans toutes les questions touchant sa conscience. Sous son règne, de vénérables prêtres ont le droit, sans préjudice des devoirs de leur charge, de soumettre librement et publiquement à l’examen du monde, en leur qualité de savants, leurs jugements et idées s’écartant, ici et là, de la doctrine reçue. Il en va ainsi à plus forte raison pour toute autre personne qui n’est pas tenue par les devoirs de sa charge. Cet esprit de liberté s’étend aussi au-delà des frontières, même là où il se heurte aux obstacles extérieurs élevés par un gouvernement qui se méprend sur son rôle. Car un tel gouvernement se trouve en face d’un exemple lumineux prouvant que, dans un régime de liberté, il n’y a rien à craindre pour la paix publique ou pour l’unité de la communauté. Les hommes se dégagent eux-mêmes progressivement de leur grossièreté, si seulement on ne s’évertue pas à les y maintenir.

Commentaire à venir.