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L’État
1. DE LA SOCIÉTÉ À L’ÉTAT
A) Définitions
Société : du latin societas, groupe de socii (alliés, compagnons, associés). Communauté stable d’individus partageant une culture et des institutions.
État : du latin stare (être debout, se tenir). Autorité détentrice d’un pouvoir de gouvernement sur un groupe humain, indépendamment des individus qui la représentent, dont la fonction première est de garantir la stabilité de cette communauté et de son organisation.
« L’État est une société d’hommes instituée dans la seule vue de l’établissement, de la conservation et de l’avancement de leurs intérêts civils. »
John LOCKE, Lettre sur la tolérance, 1689
NB : On définit la société civile comme le domaine de la société autonome par rapport à l’État (associations, syndicats, partis politiques, organisations religieuses…), fonctionnant librement dans un cadre déterminé l’Etat.
B) L’homme, animal social et animal politique ?
1.La cité antique comme nécessité économique selon PLATON
« Un homme prend avec lui un autre homme pour tel emploi, un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité des besoins assemble en une même résidence un grand nombre d’associés et d’auxiliaires ; à cet établissement commun nous avons donné le nom de cité, »
PLATON, La République, Livre II
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- Le regroupement des êtres humains leur permet d’assurer leurs besoins primaires (sécurité, alimentation…).
- Les êtres humains ont plaisir à la convivialité, à l’échange par la parole (besoins d’appartenance, d’estime, d’accomplissement) : la cité est le cadre dans lequel l’être humain peut s’accomplir pleinement (= actualiser tous ses potentiels).
- Il existe un ordre naturel d’organisation progressive des collectivités humaines (famille, village, cité). Les êtres humains tendent naturellement à se regrouper sous la forme accomplie de la cité.
Pour Aristote, «?l’homme est un animal politique?». Les êtres humains sont naturellement portés à vivre ensemble : «?celui qui vit hors la cité est ?soit une bête, soit un dieu?». - Puisque la finalité de l’être humain est d’être heureux et que ce bonheur passe par une vie sociale, la cité (= État) est la forme nécessaire de l’organisation sociale.
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NB : Une cité-État (comme dans la Grèce antique) est un espace géographique et sa population contrôlés exclusivement par une ville, qui possède généralement la souveraineté (indépendance). C’est la forme originelle, la plus simple, de l’État. A l’époque des Grecs, des formes plus complexes d’État s’étaient déjà développées au Moyen Orient et en Asie.
2. Origine des sociétés selon Claude Lévi-Strauss :
La société naît de l’institution d’une contrainte universelle (on la retrouve dans toutes les cultures)?: la prohibition de l’inceste. Celle-ci contraint les familles étrangères à se solidariser par des liens matrimoniaux (puisqu’on ne peut procréer à l’intérieur d’un même famille) et donc stabilise une société ou des relations pacifiques entre sociétés.
3. Types de société : Durkheim (fondateur de la sociologie, 1858-1917) distingue deux types de sociétés.
• Société traditionnelle (à solidarité mécanique : ordre stricte) : les membres de la société (sorte de grande famille) sont peu spécialisés et les rôles sociaux et politiques sont peu différenciés. L’État n’est pas nécessaire.
• Société moderne (à solidarité organique : interdépendance) : les membres de la société sont spécialisés (division du travail social) et sont en situation d’interdépendance. Nécessité d’un État pour assurer la conservation de la collectivité dans la durée, la stabilité de son organisation.
4. Nécessité de l’État pour réguler le fonctionnement des sociétés modernes
« Le seul moyen d’établir pareille puissance commune, capable de défendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres et, ainsi, les protéger de telle sorte que, par leur industrie propre et les fruits de la terre, ils puissent se suffire à eux-mêmes et vivre satisfaits, est de rassembler toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou sur une assemblée d’hommes. »
Thomas HOBBES, Léviathan, 1651
Dans toute collectivité humaine, les intérêts contradictoires (souvent liées aux questions de propriété et de pouvoir) provoquent des tensions qui peuvent déboucher sur des conflits internes et menacer la cohérence de la société (risque de guerre civile). Il y a donc nécessité de développer des institutions ayant pour finalité de réguler (par des lois) :
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- les interactions entre citoyens, ou groupe de citoyens (sécurité des personnes et des biens individuels),
- les droits d’accès aux ressources de la collectivité (garantie sur les biens publics),
- les relations avec les autres collectivités humaines (diplomatie, commerce, conflits).
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C. NÉCESSITÉ DE L’ÉTAT (EN LIEN AVEC UNE CONCEPTION PESSIMISTE DE L’ÊTRE HUMAIN)
Dans les sociétés primitives, il n’y a pas d’institutions autonomes, disposant de pouvoirs particuliers. L’État apparaît comme une nécessité liée à une certaine complexification de l’organisation sociale, avec le but d’en garantir la stabilité en déléguant la « contrainte physique » à des institutions.
• Conception optimiste de l’être humain : inutilité de l’État
L’anarchisme : Fondée sur la négation du principe d’autorité dans l’organisation sociale et le refus de toute contrainte découlant des institutions basées sur ce principe, l’anarchie vise à développer une société sans domination et sans exploitation, où les individus-producteurs coopèrent librement dans une dynamique d’autogestion et de fédéralisme. Elle implique une conception optimiste d’un être humain rationnel, vertueux, solidaire que la loi ne pourrait que pervertir.
L’anarchisme met en avant la solidarité, la complémentarité des libertés individuelles et collectives, la propriété commune autogérée. Problème : s’appuyant sur une conception idéale de l’être humain, l’anarchie n’a jamais pu être mise en pratique de manière durable et toutes les expériences ont été menées sur des groupes réduits.
« L’État, c’est le mal, mais un mal historiquement nécessaire, aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard son extinction complète. » « L’État a toujours été le patrimoine d’une classe privilégiée quelconque : classe sacerdotale, nobiliaire, bourgeoise ; classe bureaucratique à la fin, lorsque, toutes les autres classes s’étant épuisées, l’État tombe ou s’élève, comme on voudra, à la condition de machine. » « L’État garantit toujours ce qu’il trouve : aux uns leurs richesses, aux autres la pauvreté ; aux uns la liberté fondée sur la propriété ; aux autres l’esclavage, conséquence fatale de leur misère. »
Mikhaïl BAKOUNINE, La Liberté, vers 1860
• Conception pessimiste de l’être humain :
« Il est manifeste que tant que les hommes vivent sans une puissance commune qui les maintienne tous en crainte, ils sont dans cette condition que l’on appelle guerre et qui est la guerre de chacun contre chacun. »
« Si deux hommes désirent la même chose alors qu’il n’est pas possible qu’ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis: et dans leur poursuite de cette fin (qui est, principalement, leur propre conservation, mais parfois seulement leur agrément), chacun s’efforce de détruire ou de dominer l’autre. »
Thomas HOBBES, Le Léviathan, 1651
L’histoire de l’humanité semble montrer que dès lors que les sociétés se complexifient, les interactions entre leurs membres doivent être soumises à des règles communes. La religion a constitué la première institution dédiée (entre autres) à ce rôle avant que les premières formes d’États, d’abord théologico-politiques avant de se séculariser, ne s’imposent progressivement..
D. La notion de contrat social (pacte social : échange de droits garantis par l’État contre des devoirs dus par les citoyens à la collectivité)
1. Une manière de décrire la solidarité qui maintient une organisation sociale consiste à poser l’hypothèse d’un contrat social qui justifie l’organisation d’une souveraineté et donc d’un État. Cette hypothèse n’est pas réaliste (ne prétend pas décrire une réalité concrète) mais méthodologique : c’est une méthode de type généalogique, visant à expliquer la dynamique à l’œuvre dans le développement des sociétés en partant d’une origine pré-existant à ce développement.
L’idée d’un état pré-social (« état de nature ») de l’humanité a été utilisée par les philosophes du contrat social (Hobbes, Locke, Rousseau…) comme degré zéro du politique (sans lois et sans institutions politiques), point de départ à partir duquel on peut comprendre la complexification progressive des sociétés humaines (« état civil » propre aux sociétés dotées d’institutions politiques).
Pour essayer de comprendre les raisons qui ont poussé l’être humain à s’associer avec ses congénères et finalement à se soumettre à une autorité politique (en renonçant à sa liberté), Hobbes (1588-1679) conçoit l’« état de nature » comme une perpétuelle «?guerre de tous contre tous?». Rousseau (1712-1778) conçoit un «?homme sauvage?» libre et autonome, naturellement bon mais incapable de s’associer en communauté humaine stable.
La fiction de l’état de nature est donc un moyen de déterminer les conditions du « pacte social » : un contrat constitutif implicite de gouvernement qui fixe les conditions auxquelles les hommes consentent à se soumettre à l’autorité de quelques-uns ou d’un seul et créent une «?communauté de destin». C’est ce «?contrat social?» qui définit la légitimité d’un État et d’un gouvernement.
2. Les origines de la doctrine contractualiste
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- L’idée de contrat est empruntée au domaine juridique. A l’origine, le mot « société » désigne un contrat par lequel des individus mettent en commun des biens et des activités, les associés s’engageant à partager toute perte ou tout bénéfice qui découlerait de cette association.
- La notion de contrat social permet de rationaliser le domaine politique en échappant à la notion de « droit divin ».
- La notion de contrat social permet de justifier la reconnaissance de la légitimité de l’État par chacun en se fondant sur la notion de consentement mutuel.
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Née à la fin de la Renaissance, la conception contractuelle de l’État est le produit d’une culture qui définit l’être humain comme un être rationnel, à la fois
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- intéressé, capable de calcul d’intérêt égoïstes (la raison est mise au service de la satisfaction des besoins individuels (à l’origine de l’homo œconomicus chez les économistes libéraux du XIXe siècle),
- raisonnable, donc moral parce qu’il peut concevoir que son intérêt individuel est lié à celui de la collectivité à laquelle il appartient.
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Selon Hobbes, les individus privilégient naturellement leur sécurité — si nécessaire au détriment de leur liberté, ce qui les conduit à considérer comme légitime la soumission au gouvernement (dès lors que celui-ci œuvre en effet dans l’intérêt commun. De ce point de vue, la sécurité définit historiquement les fonctions fondamentales de l’État : l’armée pour défendre la collectivité contre d’autres collectivités, la justice et police pour défendre les citoyens contre d’autres citoyens. Ce n’est que tardivement que les Etats modernes, en s’émancipant de leurs racines théologiques (comme la monarchie de droit divin en France) vont assumer les fonctions de régulation économique, de construction d’infrastructures (gérées jusqu’alors localement), fonction d’éducation, de santé, de solidarité sociale (prises en charge jusqu’alors par les institutions religieuses), etc.
3. Les concepts fondamentaux de la théorie du contrat social
Ces définitions classiques sont celles fournies par Pufendorf dans son ouvrage De jure naturae et gentium (Du droit naturel et des gens, 1672) :
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- L’état de nature : état des hommes n’ayant entre eux d’autre lien que leur qualité commune d’être des êtres humains, chacun étant libre et égal à tous.
- Le contrat de société ou « contrat d’association » : passé par les être humains entre eux quand ils décident de s’unir pour conférer à une seule personne ou à une assemblée la tâche de prendre des décisions concernant la sécurité et l’utilité commune de telle sorte que ces décisions soient considérées comme issues de la volonté de tous en général et de chacun en particulier.
- Le contrat de gouvernement ou « contrat de soumission » : abandon volontaire de tout ou partie de la souveraineté individuelle (liberté) aux mains des gouvernants qui s’engagent de leur côté à veiller sur la sécurité et l’utilité commune.
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Les théories du contrat social se différencient selon leur conception de l’état de nature et leur analyse de la relation entre les citoyens et l’État.
4. Théories classiques du contrat social
a) La théorie de Hobbes (Le Léviathan,1650) : l’absolutisme
L’état de nature selon Hobbes : c’est « la guerre de tous contre tous » car «?l’homme est un loup pour l’homme ».
« Il est manifeste que tant que les hommes vivent sans une puissance commune qui les maintienne tous en crainte, ils sont dans cette condition que l’on appelle guerre et qui est la guerre de chacun contre chacun. La guerre ne consiste pas seulement dans la bataille ou dans le fait d’en venir aux mains, mais elle existe tout le temps que la volonté de se battre est suffisamment avérée ; car de même que la nature du mauvais temps ne réside pas seulement dans une ou deux averses mais dans une tendance à la pluie pendant plusieurs jours consécutifs, de même la nature de la guerre ne consiste pas seulement dans le fait actuel de se battre, mais dans une disposition reconnue à se battre pendant tout le temps qu’il n’y a pas assurance du contraire. Tout autre temps que la guerre est la PAIX. » (HOBBES, Le Léviathan, I, XIII)
L’état de société selon Hobbes : L’état de société est rendu nécessaire par l’insécurité de l’état de nature (puisque l’homme est naturellement égoïste et donc hostile à ses congénères).
La société n’est pas une tendance naturelle pour l’homme (opposition à Aristote pour qui « l’homme est un animal politique ») : ce n’est que par un calcul d’intérêt que l’homme entre en société (pour garder sa vie et ses biens).
Le contrat social qui fonde l’état de société est un contrat de soumission. Hobbes refuse de distinguer association et soumission —> La seule façon de s’unir, c’est de se soumettre à un tiers, d’où la notion d’absolutisme.
Les deux caractéristiques du contrat social sont selon Hobbes :
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- la soumission totale des citoyens, seule garante de la paix ;
- le pouvoir absolu du souverain (lui-même n’est pas lié par ce contrat).
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La simple possibilité d’un recours entraînerait le retour à la lutte de chacun contre chacun et donc à l’état de nature (guerre civile) : « Sans le glaive, les pactes ne sont que des mots?».
Le contrat de soumission selon Hobbes : les citoyens renoncent à leur liberté en acceptant l’obéissance absolue. Ils gagnent en échange la sécurité et la sécurité de leur personne et de leurs biens. Mais l’État ainsi produit est un monstre, un « Léviathan », une autorité souveraine disposant d’un pouvoir absolu.
b) La théorie de Locke (Essai sur le gouvernement civil, 1690)
Locke pose les fondements de ce qui deviendra le libéralisme politique. Locke partage avec Hobbes deux soucis : garantir la sécurité et préserver la propriété.
L’état de nature selon Locke : état d’harmonie et de liberté raisonnable (contrairement à l’idée négative de Hobbes). L’homme à l’état de nature doit assurer lui-même sa propre conservation, c’est-à-dire d’une part de travailler pour se nourrir lui et sa famille, et à cette fin établir la propriété des biens qu’il produit (qu’il limite à ce qui est nécessaire à sa conservation) qui lui sont en général reconnus par autrui (rationalité : tu reconnais mes biens, je reconnais les tiens) : et d’autre part défendre la sécurité de ses biens et de sa personne : légitime défense.
L’état de société selon Locke : l’État, en garantissant les biens et des personnes, ajoutera à cet état de nature la sécurité, condition de l’ordre, du développement de la culture et du bonheur des individus.
Cela implique un consentement mutuel (via une association) grâce à la règle de la majorité. Le gouvernement absolu n’est pas acceptable : l’homme, supposé rationnel, ne peut consentir à abandonner tous ses droit. Si c’était le cas, l’état de société serait pire que l’état de nature. Le pouvoir du souverain doit donc se limiter à ce qui est nécessaire à la protection des droits naturels (sécurité des biens et des personnes). Pour le reste, les citoyens restent libres, l’État garantissant cette liberté. C’est le fondement du libéralisme politique.
Le contrat de soumission selon Locke est conditionnel, révocable dès que la majorité considère ce gouvernement comme incapable d’assurer la sécurité. (Droit à l’insurrection)
Locke conçoit l’idée que la division des pouvoirs est le seul moyen de limiter les abus de pouvoirs de l’Etat dans sa forme même :
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- un pouvoir législatif : assurer la sécurité des citoyens en promulguant des lois adéquates ;
- un pouvoir exécutif : fait appliquer la loi (NB : Locke ne distingue pas le pouvoir proprement exécutif du pouvoir judiciaire).
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La théorie de Locke porte en germe les principes de la démocratie libérale du XIXe siècle, encore en vigueur dans les sociétés occidentales au XXIe siècle.
c) La théorie de Rousseau (Du Contrat social, 1762)
Rousseau reprend les acquis de la philosophie politique de Locke. Même but pour le contrat social : l’harmonie naturelle des volontés et des intérêts des individus (individualisme libéral et démocratie), mais des moyens différents à mettre en œuvre pour atteindre cet idéal politique.
L’état de nature selon Rousseau : L’homme à l’état de nature est tel qu’il serait s’il n’était pas un être social. Il serait « bon ?» parce que dans l’impossibilité d’être méchant : d’une part être méchant, c’est vouloir du mal à autrui, ce qui nécessite de vivre en société, d’autre part c’est la culture reçue de cette société qui rend l’homme envieux, jaloux, prédateur. C’est un modèle théorique, obtenu par observation et abstraction des traits proprement sociaux des hommes contemporains : l’«?homme sauvage?» n’a donc ni les traits positifs de la socialisation (perfections) ni les traits négatifs (perversions).
Comprendre ce qui distingue l’homme à l’état de nature et à l’état civil (social), c’est selon Rousseau comprendre que chez l’être humain concret (et non idéal comme le «?bon sauvage?») « tout tient radicalement à la politique ».
Le problème central de la morale selon Rousseau est celui de l’injustice, donc de l’inégalité et de la propriété (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité). En concevant un «?état de nature?» de l’homme, on constate que rien en sa nature ne contraint l’être humain à devenir ce que les sociétés font de lui (violent, criminel, guerrier, immoral…). C’est donc la société existante qui fait le malheur des êtres humains : elle doit donc être réformée.
Problème de la liberté et de la souveraineté (Du contrat social) : la souveraineté doit être la garantie de la liberté.
Le contrat social selon Rousseau : Les théories du contrat social absolutiste (Hobbes) ou libérale (Locke) se fondent sur l’aliénation (renoncement au profit du souverain) totale ou partielle des droits de l’individu (renoncement à des droits individuels au profits d’un droit commun). Au contraire Rousseau a pour but de « Trouver une forme d’association par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant.?»
Solution proposée par Rousseau : « L’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté. Car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres.?»
Le contrat de soumission selon Rousseau : en ne se soumettant qu’à la «?volonté générale?», le citoyen n’abandonne aucune de ses prérogatives individuelles puisque sa volonté individuelle est portée par la volonté générale. Par le système de la représentativité, le citoyen délègue son pouvoir de légiférer pour lui-même (idée de démocratie représentative) :
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- on n’obéit donc qu’aux lois qu’on s’est soi-même données (à travers les représentant qu’on a élus).
- on demeure donc autonome comme on le serait à l’état de nature.
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Le système de la représentativité permet de dégager au niveau de la société entière une volonté générale à laquelle l’individu se soumet volontairement puisqu’elle émane de sa volonté : le même individu, en tant que sujet, obéit aux lois et, en tant que citoyen, les promulgue (via ses représentants).
Contrairement aux théories de Hobbes et Locke, celle de Rousseau pose que le citoyen ne renonce en rien à sa liberté puisque via la représentation démocratique, il fixe lui-même, en accord avec la volonté générale, les lois auxquelles il obéit.
La violence que peut utiliser l’État pour faire appliquer les lois est elle-même fixée par les lois (donc fruit de la volonté générale) et est de ce fait une?violence légitime.
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E. LES FORMES DU POLITIQUE
1. Les formes légitime de la souveraineté (Aristote
Aristote distingue trois types possibles de régime politique institués en vue du bien commun :
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- La monarchie (gouvernement pas un seul), sous la forme de la royauté, a pour principe l’autorité : « Nous appelons d’ordinaire royauté celle des monarchies (ou gouvernement d’un seul) qui a en vue l’intérêt général. » Si ce régime agit contre l’intérêt général, il devient une tyrannie et doit être combattu.
- L’aristocratie (gouvernement par un petit nombre) est le gouvernement par les «meilleurs » (aristos en grec) reconnus pour leurs compétences : c’est « le gouvernement d’un petit nombre, et non d’une seule personne, soit parce que les meilleurs ont le pouvoir, soit parce que leur pouvoir a pour objet le plus grand bien de la cité et de ses membres. »Si ce régime agit contre l’intérêt général, il devient une oligarchie et doit être combattu.
- La démocratie ou « politie » (gouvernement par l’ensemble du peuple), dans laquelle la souveraineté est partagée par tous. Si ce régime agit contre l’intérêt général, il devient une anarchie et doit être combattu.
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2. Les formes de légitimité politique (Max Weber)
Lorsqu’elle s’applique à une personne ou à une institution, la légitimité lui confère une autorité morale, qui n’a pas besoins de la contrainte physique pour s’imposer. De ce point de vue, la légitimité peut être analysée. Le philosophe, sociologue et politologue Max Weber (1864-1920) distingue :
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- La légitimité charismatique issue du prestige attribué à un individu.
Ex. : héros, demi-dieu, prophète, grand tribun. - La légitimité traditionnelle fondée sur une tradition considérée comme immémoriale et incontestable.
Ex. : dynastie monarchique ou féodale, patriarches. - La légitimité rationnelle-légale qui s’appuie sur des règles impersonnelles et universelles. Dans ce cas, l’autorité qui est reconnue est liée à la fonction officielle et non à la personne qui la représente.
Ex. : gendarme, contrôleur SNCF, préfet, etc.
- La légitimité charismatique issue du prestige attribué à un individu.
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2. SOUVERAINETÉ DE LÉTAT /SOUV ERAINEtÉ DU PEUPLE
A. La souveraineté absolue : souveraineté qui ne tolère aucune remise en cause ou limitation.
Ex. : La monarchie absolue de l’Ancien Régime en France, qui s’affirmait de «?droit divin?», s’opposait à toute idée de limitation du pouvoir.
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- Hobbes (voir plus haut) théorise la nécessité de cet absolutisme.
- Spinoza (1632-1677) insiste lui aussi sur la nécessité pour l’individu de se soumettre de manière absolue au pouvoir souverain sous peine de remettre en cause le rôle même de l’État et donc sa propre sécurité.
Cet absolutisme est tempéré par une seule limite : celle que se fixe lui-même le souverain nécessairement pour ne pas provoquer la révolte de ses sujets. Louis XIV : « L’État c’est moi ». (Exemple des « lettres de cachet ».)
—> Les seules limites d’un pouvoir absolu sont celles qu’il se fixe lui-même.
B. La limitation des pouvoirs
Les personnes qui possèdent le pouvoir sont sensibles à celui-ci, et sont tentées d’en abuser. Le pouvoir est corrupteur, et d’autant plus qu’il est absolu, c’est-à-dire dépourvu de limite
Ex. : Le mythe de Gygès (Platon, la République) : le berger Gygès, après avoir découvert un anneau qui le rendait invisible, commet des crimes de plus en plus graves, allant jusqu’à assassiner le roi pour prendre sa place ; l’invisibilité peut être vue comme une métaphore de la toute-puissance et de l’impunité).
Montesquieu : théorie de la séparation des pouvoirs : Le pouvoir ne pouvant être limité que par un autre pouvoir, la séparation des pouvoirs est la condition d’un État soucieux de préserver la liberté des citoyens :
« Le pouvoir arrête le pouvoir » (MONTESQUIEU, L’Esprit des lois, 1748)
La séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire est un principe fondamental des démocraties représentatives. Cette séparation se fait donc selon les fonctions ou missions de l’État (fonctions régaliennes = fonctions privilégiées de l’État, qui ne peuvent être déléguées au secteur privé). L’exercice exclusif de ces pouvoirs est confié à différents corps ou élus. L’indépendance relative de chaque pouvoir est spécifiée par des règles.
NB : on considère aujourd’hui qu’en plus de ces pouvoirs assignés à l’État, la société civile dispose aussi de formes propres de pouvoirs de contrôle sur l’État (« 4e pouvoir » = la presse, 5e pouvoir = l’opinion publique).
C. L’idée de République
Du Latin res publica, qui signifie « chose publique ». La République est l’ensemble du « corps politique » qui comprend à la fois les citoyens et le gouvernement.
Dans l’Antiquité, « République » désignait l’idée de régime politique en général.
Ex. :Dans «?la République » de Platon se pose la question du meilleur régime politique.
Chez Rousseau, le terme «?république?» désigne tout corps politique fondé sur un « contrat social?» garantissant la liberté des citoyens et l’expression dune «?volonté générale?».
Aujourd’hui, une «?république?» désigne un régime où le pouvoir n’appartient pas par principe à un groupe défini (et ne peut donc pas être héréditaire).
D. L’idée de DÉMOCRATIE (L’ÉTAT comme moyen de la SOUVERAINETÉ DU PEUPLE)
« La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. » Abraham LINCOLN
Problème : « La démocratie est une façon de préserver l’État de droit. Mais il n’y a pas, dans la démocratie, de principe en vertu duquel la majorité a raison, parce que la majorité peut commettre d’énormes erreurs, mettre en place un tyran, voter pour la tyrannie, comme cela s’est produit assez fréquemment. » Karl POPPER, La Leçon de ce siècle, 1993
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- Démocratie directe : A Athènes (et aujourd’hui dans certains cantons suisses), a existé une démocratie directe système politique dans lequel chaque citoyen prend part aux débats et vote les lois.
- Démocratie parlementaire (ou représentative) : régime dans lequel le peuple élit des représentants qui proposent et votent les lois. Problème : que faut-il représenter de la collectivité ? Représentation géographique par circonscription (cas de la Ve République en France ou des Etats-Unis) ? Représentation des partis (proportionnelle, cas de la IVe République en France) ? Les communautés religieuses, raciales ? Les sexes, les âges… ?
A partir du XIXe siècle, la démocratie représentative parlementaire semble s’imposer comme le meilleur régime politique, le plus satisfaisant pour la majorité des citoyens. Les lois sont votées par les représentants du peuple (députés, Sénat) et sont donc supposées être acceptées par la majorité.
Churchill y mettait un bémol : «? La démocratie est le pire des régimes politiques, à l’exception de tous les autres.?» (Autrement dit, la démocratie n’est pas parfaite, mais on n’a pas inventé un meilleur système politique.) - Démocratie participative (favorisée aujourd’hui par le développement des nouvelles technologies) : mise en place différents processus permettant la participation du public à l’élaboration des décisions, pendant la phase de délibération. La démocratie participative (ou délibérative) se développe aujourd’hui sur le terrain de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme (débats publics, référendums locaux, etc.).
Les associations y jouent un rôle central en tant qu’interlocuteurs locaux pour les autorités publiques.
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3. SOCIÉTÉ et ÉTAT
A. Les rapports conflictuels entre société et État
Si les lois appliquées par l’État (sous la forme du gouvernement en place) sont considérées par la société comme injustes, l’État perd sa légitimité puisqu’il n’est plus au service de la population, ce qui est pourtant sa raison d’être. Mais puisqu’il dispose de la force, il peut tenter de se maintenir contre la volonté des citoyens. Le citoyen est alors en droit (en devoir ?) de renverser le régime.
(Cf. cours sur la Justice)
« Chaque fois que les législateurs tentent de saisir et de détruire les biens du peuple, ou de le réduire à l’esclavage d’un pouvoir arbitraire, ils entrent en guerre contre lui ; dès lors, il est dispensé d’obéir »
John LOCKE, Second traité du gouvernement civil, 1690
1. La violence au fondement de l’État ?
«?Que sont les empires sans la justice, sinon de grandes réunions de brigands ? Aussi bien, une réunion de brigands est-elle autre chose qu’un petit empire, puisqu’elle forme une espèce de société gouvernée par un chef, liée par un contrat, et où le partage du butin se fait suivant certaines règles convenues ? Que cette troupe malfaisante vienne à augmenter en se recrutant d’hommes perdus, qu’elle s’empare de places pour y fixer sa domination, qu’elle prenne des villes, qu’elle subjugue des peuples, la voilà qui reçoit le nom de royaume, non parce qu’elle a dépouillé sa cupidité, mais parce qu’elle a su accroître son impunité.?»
AUGUSTIN d’Hipone, La Cité de Dieu, 426
« Il est juste que ce qui est juste soit suivi. Il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. »
Blaise PASCAL, Pensées, 1670
2. L’État comme forme d’oppression de la société
« L’État est le pus froid de tous les monstres froids. : il ment froidement ; et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : «Moi l’Etat, je suis le peuple». »
Freidrich NIETSZCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, 1885
Si comme le pense Hobbes, l’État est d’abord créé pour assurer la sûreté (sécurité) des citoyens, ceux-ci attendent néanmoins de bénéficier d’autant de liberté que possible. C’est cet équilibre entre liberté et sécurité qui est problématique pour tout État : d’un côté plus on laisse de liberté aux citoyens, moins on peut garantir leur sécurité ; de l’autre côté, plus on veut garantir la sécurité des citoyens, plus il faut limiter leur liberté.
La complexification progressive des sociétés aboutit à une dilution de l’intérêt général dans les intérêts particuliers des diverses communautés composant la société : sociétés modernes individualistes (les individus sont prioritaires sur la société) par opposition aux sociétés traditionnelles holistes (la société est prioritaire sur les individus). Ces diverses communautés peuvent alors se retrouver en conflit concernant le poids relatif des questions de sécurité et de liberté. Dès lors, l’État qui ne parvient pas à trouver un équilibre satisfaisant tous les camps, est considéré comme source d’oppression. Seule la prise en compte de l’intérêt commun (et donc le renoncement aux revendications propres à sa seule personne ou communauté) rend possible la paix sociale.
NB : Certains théoriciens politiques (dans la lignée de Marx, mais aussi du juriste nazi Karl Schmidt) considèrent que le conflit est le moteur du progrès social et que la vie sociale est donc nécessairement conflictuelle.
3. La contrainte physique (violence), privilège nécessaire mais exorbitant de l’État
« S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept d’État aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu’on appelle, au sens propre du terme, l’«?anarchie?». La violence n’est évidemment pas l’unique moyen normal de l’État — cela ne fait aucun doute –, mais elle est son moyen spécifique. De nos jours la relation entre Etat et violence est tout particulièrement intime. Depuis toujours les groupements politiques les plus divers — à commencer par la parentèle — ont tous tenu la violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par contre il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé — la notion de territoire étant une de ses caractéristiques —, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. […] Comme tous les groupements politiques qui l’ont précédé historiquement, l’État consiste en un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime (c’est-à-dire sur la violence qui est considérée comme légitime). »
Max WEBER, Le Savant et le Politique, 1919
D’où la nécessité du contrôle de l’État par la loi elle-même (en général intégré à la Constitution), appuyé par la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) et par l’existence, garantie en démocratie, de contre-pouvoirs (partis d’opposition, presse, syndicats, etc.)
4. L’État contre la société : le totalitarisme
Le totalitarisme est caractérisé par le contrôle de l’ensemble de la société par l’État (de la culture à l’économie, en passant par les médias). Mais il ne s’agit pas seulement de contrôler les institutions et infrastructures, mais aussi les esprits (idéologie officielle, monopole de la vérité, embrigadement dès le plus jeune âge, propagande constante, culte de la personnalité, rééducation de ceux qui « pensent mal », considérés comme malades mentaux).
« Le but de l’éducation totalitaire n’a jamais été d’inculquer des convictions mais de détruire la faculté d’en former aucune. »
Hannah ARENDT, Les Origines du totalitarisme, 1951
Dans les régimes totalitaires, il n’y a place ni pour la liberté (surveillance et contrôle permanent), ni pour la sécurité (menace constante de la puissance totalitaire de l’État pesant sur chaque individu).
« Le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont superflus. Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés, de marionnettes ne présentant pas la moindre trace de spontanéité. »
Hannah ARENDT, Les Origines du totalitarisme, 1951
5. Un tropisme totalitaire de l’État (même le mieux intentionné) ?
« Au-dessus de ceux-là [les citoyens] s’élève un pouvoir immense et tutélaire , qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? »
TOCQUEVILLE, De la Démocratie en Amérique, 1840
B. L’ÉTAT AU SERVICE DE LA SOCIÉTÉ ?
1. L’État au service de la « volonté générale »
Liberté civile : limitation de la liberté individuelle (naturelle) dans le seul but de garantir la coexistence pacifique des membres d’une collectivité. Elle s’appuie sur un échange de droits et de devoirs, ces devoirs étant contraints par le pouvoir judiciaire de l’État.
•Aristote (Les Politiques) : chaque peuple en fonction de son histoire et de sa culture, a besoin d’un régime politique particulier pour être correctement gouverné. Néanmoins, quelle qu’en soit la forme (tyrannie, aristocratie ou démocratie), le gouvernement de la cité doit nécessairement poursuivre le bien commun et non les désirs d’un petit nombre sans quoi il suscitera la révolte et finira par être renversé.
• Rousseau : la fonction de la République est de faire régner la volonté générale, qui s’oppose à la volonté particulière de chaque individu. Grâce à la représentativité et à la délégation de la volonté personnelle, la liberté individuelle peut se fondre sans dommage dans la liberté civile.
NB : Cet aspect de la théorie de Rousseau est dénoncé par Marx comme confondant liberté formelle (théorique) et liberté réelle (concrète) — problème analogie à celui de l’égalité de droits dénoncée comme un cache-misère de l’égalité de faits. L’artifice d’une liberté formelle permet de justifier une aliénation réelle. En donnant les mêmes droits à tous, les Etats bourgeois assurent en réalité la domination des forts sur les faibles, des riches sur les pauvres.
2. L’État (idéalement) au service de la société : la démocratie (moderne), sociale et libérale
•Démocratie : cf. plus haut, D. 2. La démocratie ne peut se limiter à une représentation (problème des critères de représentation) mais imprégner le tissus social à de plus en plus de niveaux (en France : communes, départements, régions…). Des formes nouvelles sont expérimentées : démocratie délibérative (groupes de personnes relativement réduits mais représentatifs de la popuation), démocratie participative (grand nombre de personnes, idéalement tous ceux qui sont concernés par une décision particulière). Le nouvelles technologies ouvrent aussi de nouvelles possibilités en cours d’expérimentation (« civil tech », technologies civiques) facilitant la mise en place de consultations de la population.
• Sociale : l’État a le devoir de limiter les inégalités et de garantir à chacun une « sécurité » sociale (prise en charge des populations les plus vulnérables et plus généralement de tout ce qui conditionne la dignité de l’individu : éducation, santé, logement, retraite ou minimum vieillesse, etc.) grâce à un impôt progressif.
• Libérale : les libertés sont considérées comme la condition de la dynamique sociale en général : libertés de penser, de circuler, d’opinion politique, de culte, d’expression, d’entreprendre, d’association, etc. Par principe, tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé (notion de licité). La loi ne peut limiter la liberté des citoyens que dans la mesure où cette liberté pourrait nuire à autrui. L’Etat est lui-même soumis au droit.