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La Nature dans l’actualité
Dépasser le dualisme entre nature et culture
« La fin de la nature ? »
Anthropologues et philosophes l’affirment : la nature, ça n’existe pas. Ce n’est qu’une construction de l’esprit allant de pair avec son opposée, la culture. Sur ce dualisme a été menée une exploitation effrénée des ressources vivantes. Faut-il alors se débarrasser de la « nature »? Pas si simple.
C’est à l’aval de la rivière Kapawi, dans les années 1970, que Philippe Descola a commencé à s’interroger sur l’évidence de la nature. Le jeune anthropologue était parti à la rencontre des Achuar, une tribu Jivaro située à la frontière entre l’Equateur et le Pérou.
Ce jour-là, la femme qui le loge se fait mordre par un serpent. On lui injecte du sérum, la voilà hors de danger. Pourquoi alors Chumpi, son mari, reste-il furieux et bouleversé ? Le chercheur finit par comprendre. La morsure ne doit rien au hasard : c’est une vengeance envoyée par l’esprit Jurijri, l’une des « mères du gibier », à l’encontre de celui qui s’était livré, la veille, à un grand massacre de singes laineux.
L’homme n’en avait ramené que trois, en laissant un quatrième agoniser tandis que plusieurs autres, blessés, avaient réussi à fuir. « Parce qu’il avait tué, presque par fantaisie, plus d’animaux qu’il n’était nécessaire pour la provende de sa famille, parce qu’il ne s’était pas inquiété du sort de ceux qu’il avait estropiés, Chumpi avait manqué à l’éthique de la chasse et rompu la convention implicite qui lie les Achuar aux esprits protecteurs du gibier », raconte Philippe Descola.D’où les représailles.
A mesure qu’il décrypte leur mode de vie, l’anthropologue découvre que ces tribus amérindiennes disposent d’une vaste gamme d’incantations magiques, grâce auxquelles elles agissent à distance sur les plantes, les animaux, les météores et les esprits.
Penser le monde autrement
Du degré de connivence de ces relations avec les autres « existants », tous dotés d’une âme et d’une vie autonome, dépend la qualité de vie des humains – l’harmonie conjugale, le succès de la chasse, la bonne santé des cultures. Un continuum entre humains et non-humains que pratiquent bien d’autres populations dans le monde, comme Philippe Descola ne tarde pas à le vérifier : des forêts luxuriantes de l’Amazonie aux étendues glacées de l’Arctique canadien, de la Sibérie orientale à la péninsule malaise, certains peuples ne se conçoivent pas comme des collectifs sociaux gérant leurs relations à un écosystème, mais comme de simples composantes d’un ensemble plus vaste.
Structurer et théoriser cette cosmologie constitua dès lors la tâche essentielle de celui qui occupa, de 2000 à 2019, la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France. Par-delà nature et culture (2005, réédité en Folio Essais), son œuvre maîtresse, s’attache ainsi à montrer que « l’opposition entre la nature et la culture ne possède pas l’universalité qu’on lui prête ». Pour le dire autrement : la nature, ça n’existe pas. Ce n’est qu’une construction de l’esprit allant de pair avec son opposée, la culture, propre à l’espèce humaine.
Parce que cette vision s’est imposée à l’échelle mondiale, parce qu’elle a autorisé une exploitation effrénée des ressources vivantes, elle met désormais en péril la vie de millions d’espèces, la nôtre comprise. Il importerait donc de s’en défaire.
C’est ce qu’affirme un nombre croissant de philosophes, de biologistes, d’environnementalistes, pour qui ce concept encombrant entrave nos possibilités de penser le monde autrement. Or, il y a urgence. La crise mondiale déclenchée par un simple virus vient de nous le rappeler cruellement : on ne néglige pas impunément les équilibres écologiques. Et il ne s’agit là que du dernier avatar des multiples changements environnementaux et climatiques que nos activités humaines sont en train de provoquer. Non pas une crise, mais une véritable mutation de notre système « Terre » que l’on ne peut affronter sans bâtir une vision plus unifiée du monde.
« Aussi inséparables que des frères siamois »
En finir avec la nature ? Pas si simple. On ne raye pas sans mal de son vocabulaire un mot si ancien, recouvrant des réalités si grandes et si diverses. « Nature » vient du latin natura, le participe futur du verbe « naître » (nasci) au féminin.
Natura sert à traduire le terme grec phusis, concept clé de la philosophie antique issu du verbe phuein (« croître » ou « pousser »). C’est pourquoi le terme doit être gardé, estime la spécialiste de littérature Anne Simon. « La naissance, c’est un acte, quelque chose qui est en avant de nous-mêmes. Quand on donne naissance à un enfant, on ne sait pas ce qu’il va devenir. Le mot nature recèle une temporalité en réserve, une ouverture qui permet d’élargir ses interprétations », précise cette chercheuse CNRS. Autant donc « se coltiner l’héritage dérangeant du terme », et tenter de le revitaliser.
Peine perdue, rétorque le sociologue et philosophe Bruno Latour, très impliqué dans la réflexion écologique.Nature comme culture sont difficiles à redéfinir car, affirme-t-il, elles constituent les deux parties d’un même concept reliées « par un fort élastique ». « Dans la tradition occidentale, on ne peut jamais parler de l’une sans parler de l’autre : il n’y a pas d’autre nature que cette définition de la culture et pas d’autre culture que cette définition de la nature. Elles sont nées ensemble, aussi inséparables que des frères siamois qui se feraient des caresses ou se battraient à coups de poing sans cesser de partager le même tronc », insiste-t-il.
Une conviction que partage la philosophe et historienne des sciences américaine Donna Haraway, pour qui les deux termes forment « une coconstruction indissociable ». « La distinction entre ces deux entités sous-entend que la culture est la zone réservée à l’humain, et que la nature est celle réservée à tout ce qui ne l’est pas – l’humain pouvant disposer de ce “reste” à volonté pour ses propres fins », résume-t-elle. Pour sortir de l’impasse et qualifier autrement le règne du vivant auquel nous appartenons, cette professeure émérite à l’université de Californie de Santa Cruz propose « natureculture » : un concept qui ne renvoie ni à l’unité ni au duo, mais au multiple, « une sorte de nœud tentaculaire où s’enchevêtrent les vivants, les morts et toutes les choses terrestres ».
Les mille figures de Gaïa
D’autres mots, encore ? Philippe Descola parle des « existants », le philosophe de l’environnement Baptiste Morizot préfère le « tissu du vivant ». Bruno Latour, lui, invoque volontiers Gaïa, déesse de la mythologie grecque personnifiant la Terre dont le nom fut adopté par le climatologue anglais James Lovelock, à l’aube des années 1970, pour désigner l’ensemble des phénomènes vivants qui modifient notre planète. « En explorant les mille figures de Gaïa, on peut déplier rétrospectivement tout ce que la notion de Nature avait confondu », défend-il dans Face à Gaïa (La Découverte, 2015).
Comme Bruno Latour, la philosophe des sciences Isabelle Stengers , retraitée de l’Université libre de Bruxelles, estime elle aussi que « l’intrusion de Gaïa » dans les affaires humaines nous oblige à « penser avec ce qui arrive ». Pour autant, elle n’estime pas nécessaire de se débarrasser du mot « nature ». Il lui semble plus essentiel de tisser avec les autres vivants des relations de coexistence et d’interdépendance.
Deborah Bird Rose, anthropologue australienne disparue en 2018, défendait plus radicalement encore la conservation du mot. « Le terme nature est problématique, notamment parce que la division nature/culture fait partie du problème, pas de la solution, écrivait-elle dans Vers des humanités écologiques (Wildproject, 2019). Dans son histoire problématique, provocatrice et violente, ce terme continue de nous défier, et pour cette raison tout spécialement, je continue de l’utiliser. »
Pour repenser en profondeur nos relations au monde, faut-il donc, ou non, se débarrasser de ce concept devenu sulfureux ? Pour tous ceux, de plus en plus nombreux, qui concourent aux « humanités écologiques » – vaste ensemble de disciplines alliant histoire et philosophie de l’environnement, études littéraires et culturelles, anthropologie, art, géographie ou écologie politique –, il s’agit en tout cas de dépasser le dualisme nature/culture. D’interroger l’ensemble des réseaux associant les êtres humains et non humains. De Vivre avec le trouble, selon le titre du dernier ouvrage de Donna Haraway publié en français (Editions des mondes à faire, 380 p., 28 euros), pour inventer de nouvelles interactions avec le vivant. Nous verrons comment ils envisagent cette mutation fondamentale. Mais il faut auparavant revisiter la longue histoire que nous avons tissée, depuis l’Antiquité, avec l’univers qui nous entoure.
Philippe Descola : « Nous sommes devenus des virus pour la planète »
Cette pandémie doit, selon l’anthropologue, conduire à une véritable « politique de la Terre ».
Anthropologue, spécialiste des Jivaro achuar, en Amazonie équatorienne (Les Lances du crépuscule, Plon, 1994), Philippe Descola est professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’anthropologie de la nature.
Disciple de Claude Lévi-Strauss, médaille d’or du CNRS (en 2012) pour l’ensemble de ses travaux, Philippe Descola développe une anthropologie comparative des rapports entre humains et non-humains qui a révolutionné à la fois le paysage des sciences humaines et la réflexion sur les enjeux écologiques de notre temps, dont témoignent notamment Par-delà nature et culture (Gallimard, 2005) et La Composition des mondes (entretiens avec Pierre Charbonnier, Flammarion, 2014).
En quoi cette pandémie mondiale est-elle un « fait social total », comme disait Marcel Mauss, l’un des fondateurs de l’anthropologie ?
Un fait social total, c’est une institution ou des événements qui mettent en branle une société, qui font apparaître ses ressorts et ses valeurs, qui révèlent sa nature profonde. En ce sens, la pandémie est un réactif qui condense, non pas les singularités d’une société particulière, puisqu’elle est mondiale, mais certains traits du système qui régit le monde actuel, le capitalisme postindustriel.
Quels sont-ils ? D’abord, la dégradation et le rétrécissement sans précédent des milieux peu anthropisés du fait de leur exploitation par l’élevage extensif, l’agriculture industrielle, la colonisation interne et l’extraction de minerais et d’énergies fossiles. Cette situation a eu pour effet que des espèces sauvages réservoirs de pathogènes se sont trouvées en contact beaucoup plus intense avec des humains vivant dans des habitats beaucoup plus denses. Or les grandes pandémies sont des zoonoses, des maladies qui se propagent d’espèce en espèce et dont la diffusion est donc en grande partie dépendante des bouleversements écologiques.
Deuxième trait : la persistance criante des inégalités révélée par la situation de crise, à l’intérieur de chaque pays et entre les pays, qui rend ses conséquences très différentes selon la situation sociale et économique dans laquelle on se trouve. La pandémie permet de vérifier ce constat fait par l’anthropologue David Graeber que plus un emploi est utile à la société, moins il est payé et considéré. On découvre soudain l’importance cruciale des gens dont nous dépendons pour nous soigner, nous nourrir, nous débarrasser de nos ordures, et qui sont les premiers exposés à la maladie.
Troisième trait : la rapidité de la propagation de la pandémie. Que des maladies infectieuses fassent le tour de la Terre n’a rien de nouveau ; c’est que celle-ci le fasse si rapidement qui attire l’attention sur la forme présente de la mondialisation, laquelle paraît entièrement régie par la main invisible du marché, c’est-à-dire la règle du profit le plus rapide possible. Ce qui saute aux yeux, notamment avec les pénuries de masques, de tests ou de molécules thérapeutiques, c’est une division internationale de la production fondée sur deux omissions : celle du coût écologique du transport des marchandises et celle de la nécessité, pour faire société, d’une division locale du travail dans laquelle tous les savoir-faire sont représentés.
Cette crise est-elle due à la dévastation de la planète ou bien faut-il au contraire considérer que les épidémies font, depuis les âges qui ont précédé l’anthropocène, partie de l’histoire et que l’homme doit ainsi faire preuve d’humilité ?
En tant qu’américaniste, je suis douloureusement conscient du prix que les populations amérindiennes ont payé du fait de leur rencontre avec les maladies infectieuses apportées par les colonisateurs européens : entre le XVIe et le XVIIIe siècle, dans certaines régions, c’est 90 % de la population qui disparaît. Les épidémies nous accompagnent depuis les débuts de l’hominisation. Simplement, le développement de l’Etat-providence à partir de l’Europe depuis la fin du XIXe siècle a eu tendance à faire oublier à ceux qui en bénéficient que l’aléa et l’incertitude continuent d’être des composantes fondamentales de nos destins collectifs.
Pourquoi le capitalisme moderne est-il selon vous devenu une sorte de « virus du monde » ? Tout est-il la faute du capitalisme, alors que ces pandémies ne semblent pas être sans lien avec les marchés d’animaux vivants et la médecine traditionnelle chinoise ?
Un virus est un parasite qui se réplique aux dépens de son hôte, parfois jusqu’à le tuer. C’est ce que le capitalisme fait avec la Terre depuis les débuts de la révolution industrielle, pendant longtemps sans le savoir. Maintenant, nous le savons, mais nous semblons avoir peur du remède, que nous connaissons aussi, à savoir un bouleversement de nos modes de vie.
Sans doute les marchés traditionnels chinois contribuent-ils à la disparition du pangolin ou du rhinocéros. Mais les réseaux de contrebande d’espèces protégées qui les alimentent fonctionnent selon une logique parfaitement capitaliste. Pour ne rien dire du capitalisme sauvage des compagnies forestières chinoises ou malaises opérant en Indonésie, la main dans la main avec les plantations de palmiers à huile et les industries agroalimentaires.
Ceux qui n’opèrent pas selon ce modèle, ce sont les populations autochtones de Bornéo (et de bien d’autres régions du monde), qui défendent leurs territoires contre la déforestation. Le capitalisme est né en Europe, mais il n’est pas définissable ethniquement. Et il continue de se propager comme une épidémie, sauf qu’il ne tue pas directement ceux qui le pratiquent, mais les conditions de vie à long terme de tous les habitants de la Terre. Nous sommes devenus des virus pour la planète.
Cette crise n’est-elle pas l’occasion de concevoir autrement les rapports entre la culture et la nature, entre les humains et les non-humains ? Ou bien ne serait-on pas au contraire tenté d’accroître la distance entre « eux » et « nous » en raison des zoonoses ?
Au tournant du XVIIe siècle a commencé à se mettre en place en Europe une vision des choses que j’appelle « naturaliste », fondée sur l’idée que les humains vivent dans un monde séparé de celui des non-humains. Sous le nom de nature, ce monde séparé pouvait devenir objet d’enquête scientifique, ressource illimitée, réservoir de symboles. Cette révolution mentale est l’une des sources de l’exploitation effrénée de la nature par le capitalisme industriel en même temps que du développement sans précédent des connaissances scientifiques.
Mais elle nous a fait oublier que la chaîne de la vie est formée de maillons interdépendants, dont certains ne sont pas vivants, et que nous ne pouvons pas nous abstraire du monde à notre guise. Le « nous » n’a donc guère de sens si l’on songe que le microbiote de chacun d’entre « nous » est composé de milliers de milliards d’« eux », ou que le CO2 que j’émets aujourd’hui affectera encore le climat dans mille ans. Les virus, les micro-organismes, les espèces animales et végétales que nous avons modifiées au fil des millénaires sont nos commensaux dans le banquet parfois tragique de la vie. Il est absurde de penser que l’on pourrait en prendre congé pour vivre dans une bulle.
Les peuples autochtones de l’Amazonie se ferment, se dispersent et se replient afin de faire face à l’épidémie. Devons-nous également nous abriter derrière nos frontières et nos nations ? Est-ce la fin, non seulement de la mondialisation, mais aussi d’un certain cosmopolitisme ?
Si l’on parle d’une cosmopolitique au sens du sociologue Ulrich Beck, à savoir la conscience acquise par une grande partie de l’humanité qu’elle partage une destinée commune parce qu’elle est exposée aux mêmes risques, alors on voit bien qu’il est illusoire de fermer les frontières. On ralentira peut-être la propagation du Covid-19, mais on n’empêchera pas une autre zoonose d’éclore ailleurs.
Surtout, on n’arrêtera pas le nuage de Tchernobyl ou la montée des mers. Et si certains Amérindiens d’Amazonie ont la possibilité d’empêcher des humains de pénétrer sur leurs territoires, parce qu’ils sont vecteurs de maladie ou chercheurs d’or, ils sont en revanche beaucoup plus accueillants pour les non-humains dont ils sont familiers. Et c’est en ce sens-là que le mot « cosmopolitique » pourrait prendre toute sa portée. Non comme un prolongement du projet kantien de formuler les règles universelles au moyen desquelles les humains, où qu’ils soient, pourraient mener une vie civilisée et pacifique. Mais au sens littéral, comme une politique du cosmos.
Une politique de la Terre entendue comme une maison commune dont l’usage n’est plus réservé aux seuls humains. Cela implique une révolution de la pensée politique de même ampleur que celle réalisée par la philosophie des Lumières puis par les penseurs du socialisme. On en voit des signes avant-coureurs.
Dans plusieurs pays on a donné une personnalité juridique à des milieux de vie (des montagnes, des bassins-versants, des terroirs), capables de faire valoir leurs intérêts propres par le biais de mandataires dont le bien-être dépend de celui de leur mandant. Dans plusieurs pays aussi, y compris en France, des petits collectifs ont fait sécession par rapport au mouvement continu d’appropriation de la nature et des biens communs qui caractérise le développement de l’Europe, puis du monde, depuis la fin du XVIe siècle. Ils mettent l’accent sur la solidarité entre espèces, l’identification à un milieu, le souci des autres et l’équilibre des rythmes de la vie plutôt que sur la compétition, l’appropriation privée et l’exploitation maximale des promesses de la Terre. C’est un véritable cosmopolitisme, de plein exercice.
Assiste-t-on à un tournant anthropologique de la pensée française avec l’éclosion d’une génération notamment formée par Bruno Latour et vous-même qui ne sépare plus de manière radicale les humains et les non-humains ?
On peut appeler ça un tournant anthropologique si l’on veut, à condition d’ajouter que, paradoxalement, c’est une anthropologie qui est devenue moins anthropocentrique, car elle a cessé de ravaler les non-humains à une fonction d’entourage et de réduire leurs propriétés aux aspirations et aux codes que les humains projettent sur eux. L’un des moyens pour ce faire fut d’introduire les non-humains comme des acteurs de plein droit sur la scène des analyses sociologiques en les faisant sortir de leur rôle habituel de poupées qu’un habile ventriloque manipule.
C’est un exercice qui va à rebours de plusieurs siècles d’exceptionnalisme humaniste au cours desquels nos modes de pensée ont rendu incongru que des machines, des montagnes ou des microbes puissent devenir autoréférentiels. Il a fallu pour cela traiter le non-humain comme un « fait social total » justement, c’est-à-dire le transformer en une sorte de planète autour de laquelle gravitent de multiples satellites. J’ai appelé ça l’anthropologie de la nature.
On parle beaucoup du « monde d’après », au risque de ne pas penser le présent. Que serait-il possible et important de changer le plus rapidement ?
On peut toujours rêver. Alors, en vrac : instauration d’un revenu de base ; développement des conventions citoyennes tirées au sort ; impôt écologique universel proportionnel à l’empreinte carbone ; taxation des coûts écologiques de production et de transport des biens et services ; développement de l’attribution de la personnalité juridique à des milieux de vie, etc.