Les échanges
1. Définition
Échange = cession de quelque chose à quelqu’un qui cède lui aussi quelque chose en contrepartie.
• Les échanges (au pluriel) : en lien avec la vie matérielle, plus particulièrement à l’économie, au commerce, à toutes les transactions humaines ; satisfaction des besoins et confort de la vie quotidienne.
• L’échange (au singulier) : dimension plus personnelle, intime ou spirituelle. Échanger des paroles, des sourires, des idées, partager des sentiments, des émotions…
2. Distinction fondamentale : échanges matériels / échanges symboliques
- Échanges matériels : échanges de biens ou de services.
- Échanges symboliques : échanges de messages, de signes.
Quand nous parlons ou saluons quelqu’un nous n’échangeons pas des objets matériels utiles ou des services. Tout acte de communication (dialogue, salut, sourire…) est un échange : on parle alors d’échange symbolique puisque n’y sont échangés que des signes.
Attention : Le don d’un objet ou d’un service (partie matérielle d’un échange) peut être échangé contre un remerciement ou un sourire (partie symbolique). Un échange peut être à la fois matériel et symbolique : ex. Échange de cadeaux à Noël.
3. Échanges et société
L’anthropologue Claude Lévi-Strauss (1955) explique le passage de la nature à la culture par le passage de l’échange réel (biens matériel) à l’échange symbolique.
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- Dans l’échange réel (matériels) on transmet uniquement des biens et services (matière ou énergie).
- Dans l’échange symbolique, en plus de l’objet (matière-énergie) échangé on transmet de l’information.
3.1 L’échange est toujours un rapport à autrui (interaction, réciprocité).
L’échange impose une relation plus ou moins réciproque : un don appelle un contre-don. Celui qui reçoit devient débiteur implicite du donateur. Pour qu’une relation demeure équilibrée (non conflictuelle), la dette peut être annulée par un contre-don.
Ex. : Échange de cadeaux à Noël : maintien ou renforcement d’une relation affective, échange à la fois matériel et symbolique.
Échanger c’est donner pour recevoir d’autrui : je te donne <—> tu me donnes
En tant qu’être naturellement social, l’être humain tend naturellement à assurer sa survie, (besoins physiologiques et besoins de sécurité) par le moyen de l’échange.
3.2 Une société peut être définie comme un système d’échanges (à plusieurs niveaux).
Dans toute société, la communication s’opère au moins à trois niveaux, déterminant des échanges à la fois matériels et symboliques :
1. échanges matrimoniaux : liens de parenté contraints par la prohibition de l’inceste)
2. échanges matériels des biens et des services : solidarité économique contrainte par la division du travail)
3. échanges symboliques de messages (informations) : partage de la même conception du monde, des mêmes valeurs permettant la vie en commun en société.
• La question du don : l’absence de réciprocité fait-elle du don un acte désintéressé ?
Ex. : Le jeune homme qui offre des fleurs à une jeune fille est-il vraiment désintéressé ? N’attend-il pas un contre-don (sorte de remboursement) sous une forme ou une autre ? Celui ou celle qui intervient dans une association caritative ne cherche-t-il pas à satisfaire un besoin d’accomplissement de soi, de reconnaissance par les autres ou d’appartenance à un groupe ?
La valeur du don (désintéressé) peut être liée à la satisfaction d’un besoin plus complexe que les besoins vitaux (faim, soif, fatigue…) : besoins sociaux et psychologiques (appartenance, estime de soi, accomplissement)
Les échanges visent d’abord à satisfaire les besoins vitaux (d’ordre biologique) puis pour satisfaire des besoins plus complexes (d’ordre sociologique ou psychologique).
• Dans les sociétés primitives, le partage rend inutile l’échange
Le travail vise l’autarcie (satisfaction des besoins domestiques), forme d’économie minimale dans laquelle la collectivité produit l’ensemble des biens et services nécessaires à satisfaire les besoins de chacun. L’ensemble des biens (ex. : chasse, cueillette) est partagé.
C’est une économie de survie, sans besoin d’échange avec les autres collectivités. Cette autonomie implique une relative polyvalence des individus :
Sortie de l’autarcie (complexification de la société)
—> division du travail (spécialisation),
—> économie d’échange (marché),
—>interdépendance (société stabilisée).
« Dans la première communauté, c’est-à-dire la famille, le troc n’a aucune fonction mais qu’il en acquiert une quand la communauté s’agrandit. Car les membres de la famille mettaient toutes les choses en commun, alors que ceux qui s’étaient séparés avaient certes beaucoup de choses de la même manière, mais aussi d’autres qui, nécessairement, selon les besoins firent l’objet d’échanges, comme cela se pratique aussi dans beaucoup de peuplades barbares, selon la formule du troc. Car alors on échange des choses utiles les unes contre les autres et rien de plus, par exemple on donne et on reçoit du vin contre du blé. »
ARISTOTE, Les Politiques
Dès que le travail n’est plus autarcique, les contraintes sociales de l’échange (commerce) s’ajoutent aux les contraintes techniques du travail (production) : l’interdépendance des métiers crée du lien social.
• La division du travail : une contrainte naturelle ?
Première division du travail : selon les sexes. Dans la plupart des sociétés primitives, les femmes cueillent, les hommes chassent : première répartition des tâches. Les contraintes de gestation et d’allaitement auraient déterminé cette 1ère division du travail.
• La division du travail : une contrainte sociale ?
Deuxième division du travail : selon les tâches
– travail manuel : production des biens —> efficacité
– travail intellectuel : conception, organisation, gestion (religion, politique, science, économie…) —> expertise.
La spécialisation de chacun permet une meilleure maîtrise par chacun de son domaine et donc une meilleure productivité, dans l’intérêt de la collectivité. Mais cette division des tâches entraîne en général une répartition inégale des pouvoirs et une hiérarchisation de la société.
• La division du travail : cause des inégalités sociales ?
Ceux qui disposent de l’expertise (capital symbolique) ont le pouvoir de décider de la répartition des revenus du travail (en général à leur avantage) : ils peuvent accumuler un capital économique qu’ils transmettent à leurs héritiers (qui n’ont même plus à posséder de capital symbolique)
—> Hiérarchie sociale avec des formes d’injustice économique que l’État doit s’efforcer de combler pour assurer la paix sociale sans recours à la violence.
4. Les échanges matériels
4.1 Les formes de l’échange matériel
A. A l’origine des échanges économiques : le troc.
On échange un bien contre un autre bien. Difficulté : chacun doit posséder un bien qui intéresse l’autre —> limitation des échanges possibles.
• Échanger ceci contre cela : le problème de l’équivalence. (Sont équivalents des biens qui ont même valeur d’échange)
Ex. : Combien de baguettes de pain pour un poisson ?
• Existe-t-il une cause objective pouvant justifier la valeur d’échange des biens ? La valeur objective d’un bien résulte du coût des facteurs de production nécessaires à sa fabrication :
« Le travail est la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise ». (Adam SMITH)
Temps nécessaire pour produire le bien = «?valeur travail?». Mais il faut aussi tenir compte du coût des investissements nécessaires (matières premières, machines…)
Monnaie : équivalent universel facilitant les échanges :
marchandise —> argent —> marchandise
Mais progressivement, l’économie capitaliste (conséquence de la possibilité d’accumuler de l’argent) modifie le schéma originel qui devient :
argent —> marchandise —> argent
On produit pour acquérir de l’argent, et non plus pour satisfaire des besoins humains, ce qui a pour conséquence une autonomisation du marché qui est alors déterminé par sa logique propre, indépendmment de l’intérêt de la collectivité.
Pour les philosophes et économistes libéraux, cette logique propre du marché, résultant de la poursuite de l’enrichissement personnel des individus, favorise finalement la prospérité de la collectivité.
B. Comment fixer les prix (la valeur d’échange) ?
• Comment est fixée la valeur d’un objet
—> Libéralisme : c’est le marché qui fixe les prix. Ce sont les producteurs et acheteurs qui fixent les prix en s’accordant sur leurs intérêts respectifs (loi de l’offre et de la demande).
Le marché est le lieu physique ou virtuel où se rencontrent l’offre (ceux qui ont quelque chose à vendre) et la demande (ceux qui ont quelque chose à acheter) et où se fixent les prix par négociation.
—> Socialisme : c’est une institution gérée par la puissance publique qui fixe les prix des biens et des services dans l’intérêt de la collectivité.
• Valeur d’usage / Valeur d’échange / Valeur travail
Pour Aristote, une chaussure a 2 utilités possibles. Elle sert :
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- à chausser —> ce qui définit sa valeur d’usage (qualitative)
- à être échangée —> ce qui définit sa valeur d’échange (quantitative)
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Pour Adam Smith (fondateur du libéralisme, XVIIIe s.) la richesse produite ne vient pas de la valeur d’usage mais de la valeur d’échange. Paradoxe :
—> L’eau est très utile mais s’échange à bas prix.
—> Le diamant est inutile mais vaut une fortune.
Pour Karl Marx, c’est le travail nécessaire pour produire des objets qui doit déterminer leur prix de vente.
Finalement c’est l’idée de rareté qui semble le critère déterminant de la valeur d’un objet ou d’un service. Plus un objet est rare, plus les clients seront prêt à payer un prix important (surenchérir sur les autres éventuels acheteurs) pour l’acquérir (puisqu’il y a alors plus de demande que d’offre).
« L’art du marchand consiste à prendre une chose là où elle abonde et à l’amener là où elle est rare. » (EMERSON, 1803-1882)
4.2 Échanges matériels et civilisation
A/ Le commerce : un échange « civilisateur » ?
• Le « doux commerce » selon Montesquieu :
« Partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces . »
« L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. »
(MONTESQUIEU, L’Esprit des Lois, 1748)« On peut dire que les lois du commerce perfectionnent, les mœurs par la même raison que ces mêmes lois perdent les mœurs. Le commerce corrompt les mœurs pures. […]Mais, si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que, dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines. […] L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu’on peut les négliger pour ceux des autres. » (MONTESQUIEU, L’Esprit des Lois, 1748)
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- Aspect positif (thèse) : Esprit de commerce = esprit de justice (échanges équitables)
- Aspect négatif (antithèse) : Esprit de commerce = perte des valeurs désintéressées
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B/ Problème : le marché produit des richesses (profit), mais :
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- il tend à marchandiser toute chose (y compris les être humains : esclavage) ;
- il tend à concentrer les richesses dans les mains de quelques-uns (la richesse permet d’acquérir des richesses).
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—> Nécessité d’une intervention politique
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- instances de régulation du marché (législation déterminant des règles) ;
- redistribution des richesses (par l’impôt).
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4.3 Optimiser les échanges matériels : l’offre et la demande
Sans intervention de l’État (régulation par les lois), tout peut être échangé. Mais est-ce alors la demande qui suscite l’offre ou l’offre qui suscite la demande ?
A/ L’offre suscite la demande :
Ex : la découverte d’une nouvelle technologie peut pré-exister à une demande. Le besoin du nouveau produit n’apparaît que parce que ce produit est mis sur le marché où il « crée la demande ».
Ex. : On n’avait pas besoin de téléphone portable avant qu’il soit inventé.
B/ La demande suscite l’offre :
L’existence d’un besoin nouveau ou jusque là non satisfait détermine la recherche d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau produit dont la rareté (marché émergent) déterminera la valeur.
Plus la demande pour ce bien sera forte et plus la valeur d’échange pourra être élevée.
Ex. : Pour l’industrie pharmaceutique, l’apparition d’une nouvelle maladie (ex : SIDA) est une opportunité. Elle correspond à l’ouverture d’un nouveau marché et pendant un temps à un éventuel monopole.
5. Les échanges symboliques
5.1 Le langage
« Il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Or seul parmi les animaux l’homme a un langage. » (ARISTOTE, Les Politiques, -325)
Certains animaux peuvent échanger des signaux qui déclenchent de manière innée des comportements prédéterminés.
Ex : « Danse » des abeilles indiquant la position de nectar à leurs congénères.
Mais chez l’être humain, le langage permet de penser puis de communiquer cette pensée à autrui par la parole ou l’écriture
Ex. : établir un dialogue avec autrui permet d’échanger, de s’accorder sur un intérêt commun pour assurer le bon déroulement des interactions avec autrui :
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- Au début du dialogue, les interlocuteurs, partenaires dans ce dialogue, ont chacun leur opinion, mais doivent chercher à s’entendre pour éviter des conflits négatifs pour les deux partis.
- L’échange ouvert d’arguments permet d’accorder progressivement les points de vue en éliminant les préjugés, en corrigeant les imprécisions de chacun.
- Le dialogue est fructueux si l’accord intervient, chacun ayant rectifié (plus ou moins) ses opinions pour se rapprocher d’une vérité sur laquelle les deux interlocuteurs s’accordent. Ayant participé à l’élaboration de la vérité, chacun l’admettra d’autant mieux.
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Le dialogue est donc un type de communication constructive.
5.2 Le schéma général de la communication
De manière générale, toute forme de communication est un échange symbolique.
Ex. : Les gestes et les mimiques sont déjà des formes de communication, plus primaires et donc plus limitées que le langage, que l’on trouve déjà chez les grands singes.
Le schéma général permettant de décrire toute forme de communication est fondamentalement le suivant :
Émetteur —> Message —> Récepteur