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Textes commentés pour l’oral de rattrapage Bac 2021

Les éthiques de la vertu (comme celle d’Aristote), se fondent sur les motivations de l’agent (celui qui agit). L’action « bonne » est déterminée par les qualités morales de ce dernier : pour Aristote la « vertu » (arête), la plus haute de ses vertus, qui détermine les autres, étant la « prudence » (phronésis), terme traduit parfois par « sagacité » ou encore par « sagesse pratique ».

La vertu (arèté) est ce qui permet à l’être humain d’atteindre l’excellence, la perfection, l’actualisation de ses potentiels — et donc le bonheur. Elle s’acquiert par éducation pour devenir une habitude. C’est d’abord en se contraignant (ou en étant contraint) à accomplir des actes vertueux que l’on devient vertueux (« C’est en forgeant qu’on devient forgeron »). Acquise, la vertu devient ensuite une disposition durable caractérisant le sage. La plus haute vertu, celle qui conditionne l’acquisition de toutes les autres, est la «prudence» (phronésis), terme traduit aussi parfois par « sagacité », ou encore par « sagesse pratique ». Héritée de Platon, la notion de prudence se transforme progressivement chez Aristote, de sa première éthique (Ethique à Eudème) à sa dernière (Ethique à Nicomaque) où elle est définie ainsi : « La prudence est une disposition accompagnée de règle vraie, capable d’agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour l’homme ». Par « disposition » il faut comprendre une aptitude (dans le cas présent acquise), une capacité (puisqu’elle rend « capable d ‘agir?») dont on dispose et que l’on peut (ou non) mobilisier dans les situations moralement problématiques. « Accompagnée de règles vraies » implique que cette disposition se met en œuvre à l’aide de règles d’action qui attribuent de manière vraie des effets à des causes — ce qui est la condition d’une action efficace, c’est-à-dire d’une action dont les résultats correspondent aux fins fixées par le « phronimos » (« l’homme prudent?»). Enfin, cette prudence a pour but d’agir adéquatement dans la sphère morale, celle où l’on porte des jugements à l’ai des valeurs « bon ou mauvais?».

Quel serait alors pour Aristote la bonne manière d’agir dans la situation d’une pandémie mettant en jeu la vie de concitoyens ?
Pour Aristote d’une part la vertu est ce qui permet d’accéder à la « vie bonne », au bonheur (le « souverain bien ») qui est le but naturellement recherché par l’homme ; d’autre part la vie sociale est la condition de possibilité de la réalisation des potentiels d’un individu (« l’homme est un animal politique ») donc de son bonheur puisque le bonheur passe par l’actualisation de ses potentiels. Or la réalisation des potentiels humains nécessite la complexité politique de la cité qui de ce fait constitue pour l’être humain la « communauté achevée » (que ne sont ni la famille, ni la tribu, ni le village). L’être humain ne se réalise donc que dans une collectivité sociale : il lui est donc impossible d’être heureux contre le bonheur de ceux avec lesquels il partage une « philia », c’est-à-dire une communauté de valeurs et de fins contribuant au bonheur commun (à noter que pour Aristote la cité tout entière doit constituer une philia sous peine de désagrégation). De ce point de vue, la vertu nous obligerait à tenir compte non seulement de notre santé (qui est un « bien naturel », nécessaire au bonheur) mais aussi de celle des autres sous peine de ruiner la philia citoyenne. Et donc, en tant qu’« animal politique », dévoué à la cité qui rend possible son bonheur, l’individu citoyen respecterait les règles communes, — à savoir, dans la situation de pandémie, celles que recommande le gouvernement de la cité. Mais si par principe nul passe-droit ne saurait être admis,  la justice (condition objective de la la paix intérieure à la cité) est tout de même soumise au principe de l’équité : « à chacun selon ce qui convient » – ce qui laisse la porte ouverte à des droits spécifiques ouverts  à ceux qui travaillent au bien commun (on peut évidemment penser aux professions médicales).

Pour Kant, tout dans la nature agit d’après des lois. Mais l’homme, grâce à cette faculté spécifique qu’est la raison ajoute aux lois de la nature qui déterminent de ses actions des «représentations de lois » – des devoirs qu’il se donne lui-même, des obligations qu’il produit grâce à sa capacité de réfléchir et de raisonner. Il peut ainsi déterminer lui-même, consciemment, ses actions. C’est ce que désigne la notion de volonté, et c’est ce qui rend l’être raisonnable « autonome » (producteur de ses propres règles de comportement. Or seule cette volonté libre peut être absolument bonne, puisqu’au-delà, dès lors qu’elle s’objective dans des actions concrètes, rien de peut plus en garantir les conséquences. Ainsi, un médecin sauve la vie d’un jeune homme : en soi la volonté qui préside à cette action est bonne – mais ce jeune homme deviendra un tyran sanguinaire… Juger moralement ne peut donc consister à juger l’individu ou son action, mais seulement sa volonté, et donc le devoir qu’il s’est lui-même donné : « Une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime (règle) d’après laquelle elle est décidée. » (Fondements de la métaphysique des mœurs, 1796)

Quelle serait pour alors pour Kant la bonne manière, non pas d’agir, mais de décider de ses actions dans la situation d’une pandémie mettant en jeu la vie de concitoyens ?

Pour juger (porter un jugement « vrai ou faux », « bien ou mal », « juste ou injuste »…), la raison doit s’appuyer sur des principes sans quoi elle se perdra dans la recherche des raisons de ses raisons, puis des raisons des raisons de ses raisons, etc. Un principe de la raison doit être exprimable sous la forme d’un énoncé rationnel, nécessaire et universellement acceptable (puisque tout être humain est potentiellement raisonnable), indépendamment de la culture et du vécu des individus. Ce principe, Kant l’appelle « impératif catégorique ». Il constitue une sorte de « moule » formel pour toutes les règles dont nous pourrions avoir besoin, dans toutes les situations possibles. L’une de ses formulations (Kant en donne trois et montre qu’elles sont équivalentes) est la suivante : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » (Fondements de la métaphysique des mœurs)  (NB :  « Une maxime est le principe subjectif de l’action que le sujet se donne lui-même comme règle. ») Or cette formulation détermine entre autre la nécessité de l’équité et de la réciprocité. On ne peut vouloir agir soi-même comme on ne voudrait pas que les autres agissent, on ne peut vouloir agir à l’égard des autres comme on ne voudrait que les autres agissent à notre égard. Et l’on voit que l’on peut déduire facilement de ce principe le fondement de l’« équilibre des libertés » (ma liberté s’arrête où commence celle des autres). Les êtres humains sont alors nécessairement égaux en droits mais aussi en devoirs. Nous ne pouvons vouloir agir (dès lors que nous utilisons notre raison) que selon des règles universalisables.

De sorte que l’être humain, en tant qu’il est raisonnable, doit déterminer des règles d’action que tout le monde pourrait appliquer sans qu’elles aboutissent à des contradictions (et donc concrètement à des conflits). Dans la situation de pandémie, je ne puis sortir de chez moi que pour une durée compatible avec celle que tout autre peut lui-même déterminer selon le même principe, sans s’accorder plus que ce que chacun pourra s’accorder. Il ne s’agit pas d’un calcul d’intérêt qui s’exprimerait sous la forme « plus je reste dehors longtemps, plus je risque d’être infecté par le coronavirus et plus je risque, si je suis porteur sain, de le transmettre donc je ne le fais pas » (ceci correspond à une règle tirée de ce que Kant nomme un « impératif hypothétique », qui est par définition conditionnel, par opposition à l’impératif catégorique). Il s’agit d’un principe déterminant nécessairement une adéquation des actions de tous ceux qui font usage de leur raison (usage universel de la raison que Kant appelle de ses vœux sous la désignation de « règne des fins »). Si je suis « joggeur », je me retiendrai d’aller courir, même si le risque est nul pour moi, parce que c’est une envie que, certes je pourrais satisfaire (par exemple en cachette, la nuit), alors que d’autres ont eux aussi des envies qu’ils ne peuvent satisfaire. Le principe de mon action, mon envie — qui pourrait être satisfaite du fait de sa particularité —, ne peut pas être universalisée dans les circonstances actuelles. Donc j’y renonce, évitant ainsi une injustice, une inéquité objective. L’impératif catégorique se présente toujours comme une exigence de solidarité.

Rappel de l’exercice proposé : Sur le modèle des deux exemples (Aristote, Kant), et en vous aidant des éléments de cours concernant la morale de Rousseau, présentez une application de celle-ci au cas d’une pandémie. À quelles obligations nous soumet la morale du sentiment de Rousseau (si l’on en accepte les principes) dans une situation d’épidémie ?

NB : Les propositions de corrigé ci-dessous sont le travail d’Anna et Léa (avec leur accord). Elles ont été rendues quelque heures après la mise en ligne de l’exercice et témoignent de la possibilité de comprendre parfaitement le cours dans ce temps, de le maîtriser au point de pouvoir appliquer les notions abstraites qui y sont développées à un cas concret (ce qui est le but pratique de la philosophie).

Rédaction réalisée par Anna Bilotta (TL)

« Durant une crise sanitaire comme celle que nous traversons, il est vrai que l’homme est amené à la reflexion, à l’introspection et à la remise en questions de ses actions. Il se voit donc balancer entre amour de soi et pitié. En effet le genre humain à tendance à tendre vers le plaisir et par conséquent le bonheur, cependant ses passions s’expriment au détriment d’autrui lors de situations hors normes comme celle-là.
«?Quoi que toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et c’est par eux seuls que nous connaissons la convenance ou la disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons rechercher ou fuir.?» Concernant la situation actuelle, une disconvenance peut par exemple être le fait de sortir la nuit en cachette pour assouvir son désir de liberté sans être arrêté. Mais l’homme, doté selon Rousseau d’un sentiment inné de pitié, culpabilisera par la suite d’avoir fait ce que son voisin ne peut pas faire, par respect du règlement stricte imposé et par respect du genre humain qui peut être infecté.
Le sentiment d’empathie est quant à lui présent en nous afin de développer la solidarité et l’entre aide durant des périodes difficiles comme celle-ci. On peut donc l’associer au soignants qui effectuent un travail phénoménal.
L’homme est donc tiraillé entre l’assouvissement de ses désirs qui se voient démultipliés de par le confinement et les règles strictes qui entachent sa liberté. Le respect d’autrui qui, s’il n’est pas honoré, peut entrainer remord et culpabilité. On peut cependant penser qu’en ces temps de confinement l’homme est plus faible que lorsqu’il est en société et en constante relation avec l’autre, puisque l’homme est un animal social. Donc, cela nous renvoie au mythe de l’anneau de Gyges. En effet, lorsque l’homme sort le soir en cachette pour assouvir son désir, personne ne l’a vu, donc son voisin ne peut pas le jalouser, et la culpabilité de cet homme n’est par conséquent que minime. « Pour vivre heureux, vivons cachés. » Cependant, vivre en société c’est aussi cela, accepter de sacrifier ses désirs et son propre bonheur au profit de la guérison de la planète.
L’homme doit donc faire la part des choses et concilier des désirs simples et réalisables, et le respect de tous. L’homme doit savoir se gouverner lui-même et équilibrer les passions contradictoires qui sont en lui afin de « recréer » lui même la justice, qui actuellement est inefficace. »

Rédaction réalisée par Léa GIAT :

« Pour Rousseau, le devoir moral naît d’un sentiment inné (empathie, bienveillance, pitié …). Puisque ces sentiments innés sont indissociables de l’homme, alors le devoir moral n’est pas perçu comme une contrainte puisqu’il serait naturellement présent dans la conscience : il (le devoir moral) « est à l’âme ce que l’instinct est au corps  ». Ainsi il existerait chez tous les êtres humains un instinct moral qui « ne nous trompe jamais » et qui est «  le vrai guide de l’homme. » Pour prouver que cet instinct est bien naturellement présent chez tous les hommes, Rousseau s’appuie sur l’existence de sentiments inhérents à la condition humaine telle que la honte ou le remords. Ainsi il est au fond de nos âme un principe inné de justice et de vertu sur lequel […] nous jugeons nos actions et celles d ’autrui comme bonnes ou mauvaises. »
Ensuite Rousseau explique qu’il existe deux sentiments innés qui déterminent la morale. Tout d’abord l’amour de soi, qui es t un sentiment égoïste, dévolu à la conservation de l ’individu et de l’espèce, on peut également nommer ce sentiment « instinct de survie ». Et le second, la pitié aussi nommé empathie : c’est un sentiment altruiste qui est dévolu à la conservation de l’espèce. Ces deux sentiments guident l’âme et précède la rai son, comme un pré-sentiment avertissant notre conscience. La raison es t donc au service de ces sentiment, « la moralité de nos act ions […] consiste dans le jugement que nous en portons nous-mêmes. » Tandis que l’amour de soi et la pitié sont la « voix de l’âme », les autres sentiments, appelés « passions » sont les « voix du corps » et peuvent se trouver en contradiction avec la raison puisqu’ils ne sont pas directement liés à elle comme l ’amour de soi et la pitié. Ainsi ces sentiments jugent nos actions de la même manière que le plaisir et la douleur jugent les sensations. Cette réaction est tout à fait naturelle puisque l’homme recherche ce qu’il y a de mieux pour lui-même e t son espèce ainsi il recherche le bien pour fuir le mal et recherche le plaisir pour fuir la douleur : « c’est par eux seuls (les sentiments) que nous connaissons la convenance ou la disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons rechercher ou fuir.  »
Enfin Rousseau intègre la notion de sentiment inné d’empathie, nous serions donc capable ressentir ce que ressent autrui. Si nous sommes entourés de personnes joyeuses, alors nous serons nous même joyeux mais si nous voyons une personne souffrir alors nous serons à même de la secourir pour pour ne plus ressentir la souffrance d’autrui qui nous fait souffrir.
Quel serait a lors pour Rousseau la bonne manière d’agir dans la situation d ’une pandémie mettant en jeu la vie de concitoyens ?
Pour Rousseau, l’instinct moral naît de sentiments innés qui guident l’homme sans jamais se tromper. Ainsi l’instinct moral contraindrait l’homme à respecter les mesures prises par le gouvernement car s’il ne respectait pas ces règles, les sentiments innés tels que la honte ou le remords serviraient de gendarme intérieur afin de réguler nos désirs. En suite nous avons pu constater qu’il existait deux sentiments innés qui déterminent la morale : l’amour de soi et la pitié. Ces deux sentiments œuvrent en faveur de la conservation de l’individu et de l’espèce. Ainsi les citoyens respecteraient les mesures instaurées car il est bénéfique pour lui que l’espèce subsiste à cette pandémie. Cependant, il faut être prudent en ce qui concerne les « passions » qui peuvent être parfois en contradiction avec la raison. Puisque l’homme est naturellement amené à rechercher le plaisir, il pourrait être tenté par l’égoïsme et faire fi des conditions imposées par le gouvernement. D’ailleurs le bien et le plaisir ne sont-ils pas à certains moments antagonistes ? La recherche incontrôlée du plaisir, la soumission de nos comportements à nos désirs, b’est-elle pas la principale source du mal ? On sait que le bien est une « convenance » qui met en accord l’individu avec ses actions et que la « disconvenance » est sanctionnée par la honte, le remords ou l’angoisse mais les hommes ont-ils tous réellement de tels scrupules ?
Enfin Rousseau intègre le sentiment inné d’empathie qui ferait que dans une situation de pandémie les gens respecteraient les règles et les mesures instaurées. En effet, de même que la vue d’une personne qui bâille, nous fait bailler, une personne souffrante nous fait souffrir : ainsi il est « naturel » de secourir une personne qui souffre pour ne plus ressentir soi-même une souffrance. Dans cette même perspective, nous serions disciplinés afin de soutenir ceux qui doivent mettre leur vie en jeu afin de favoriser le bien commun (on peut penser aux applaudissements chaque soir dans les grandes villes à 20h, qui montre du soutient et de l’empathie aux personnels soignants). »

Taiji tu (yin yang) et dialectiqueLe symbole «taijiti» représente l’opposition complémentaire du yin et du yang dans la culture chinoise. Il constitue un moyen mnémotechnique très simple (donc efficace) de retenir le principe de la dialectique hegelienne, forme dynamique de la pensée et méthode pour la mettre en œuvre.
Dans le cadre du cours de philosophie de terminale, il s’avère très utile pour comprendre et retenir le type de plan de dissertation le plus simple (en trois parties). En effet, le taijiti symbolise l’aspect le plus fondamental de la méthode d’analyse-synthèse : deux parties complémentaires, le yin et le yang (thèse et antithèse), analytiques d’un tout (synthèse), à savoir le disque qu’ils déterminent. La synthèse doit produire un point de vue qui permet de dépasser l’apparente opposition des deux premiers points de vue, et ce faisant de les comprendre (cum-prendere, c’est-à-dire prendre ensemble).

Rappel : un autre très bon moyen de retenir le fondement de la méthode analytique est bien évidemment la citation de Pascal (qu’on ne répètera jamais assez) : « Je tiens qu’il est impossible de comprendre le tout sans comprendre les parties, non plus que de comprendre les parties sans comprendre le tout. »